J'aime le cinema

J'aime le cinema

[Avis] Berberian Sound Studio par Peter Strickland

affiche berberian.jpg

 

 

 

Synopsis

1976 : Berberian Sound Studio est l'un des studios de postproduction les moins chers et les plus miteux d'Italie. Seuls les films d'horreur les plus sordides y font appel pour le montage et le mixage de leur bande sonore. Gilderoy, un ingénieur du son naïf et introverti tout droit débarqué d'Angleterre, est chargé d'orchestrer le mixage du dernier film de Santini, le maestro de l'horreur. Laissant derrière lui l'atmosphère bon enfant du documentaire britannique, Gilderoy se retrouve plongé dans l'univers inconnu des films d'exploitation, pris dans un milieu hostile, entre actrices grinçantes, techniciens capricieux et bureaucrates récalcitrants. À mesure que les actrices se succèdent pour enregistrer une litanie de hurlements stridents, et que d'innocents légumes périssent sous les coups répétés de couteaux et de machettes destinés aux bruitages, Gilderoy doit affronter ses propres démons afin de ne pas sombrer…

 

 

Casting

Réalisateur : Peter Strickland

Actrices et acteurs : Toby Jones, Tonia Sotiropoulou, Cosimo Fusco, Susanna Cappellaro, Antonio Mancino...

Date de sortie : 3 Avril 2013 (cinéma), 2 Octobre 2013 (DVD/BR)

 

 

 

 

Avis

Qu'il est plaisant de voir certains réalisateurs se référencer au giallo, ce genre typiquement Italien fait de thriller, d'horreur, de  whodunit voir de fantastique. Véritable expression de ce que fut le cinéma populaire, qui survit aujourd'hui à travers les collants de super-héros en 3D qui défonce les yeux pour une place à plus de 10€ (hum), il est de bon ton, chaleureux même, de se retrouver autour du fossile de cette expression pop. N'en déplaise aux Inrocks, le giallo n'est pas un simple "rejeton bâtard" de Hitchcock, ni le pendant pornographique et "moins respectable" de celui qu'ils appellent Hitch. Mais pour s'en rendre compte, pour connaître le rapport d'une époque à ces petits romans de gare à la couverture jaune, il faut ne pas se couper du public, des masses laborieuses. Re-hum.

 

Gilderoy, incarné par le toujours impeccable Toby Jones, fait justement partie de ces masses laborieuses. Impressionnant visuellement, le début met surtout en place une histoire intrigante, une situation en et des personnages qui sonnent juste. Non, travailler dans le mixage de films n'est pas un boulot pour personnes mondaines au top de la cool-attitude entre deux sessions Ibiza. C'est un travail difficile, chronophage, exigent et tellement passionnant qu'on peut très vite y perdre pied.  Blow Out en parlait un peu, lors de son final à hérisser la moustache, mais ce Berberian Sound Studio en fait carrément son thème principal. Gilderoy est un brave besogneux dont les qualités professionnelles semblent nombreuses. D'où l'étonnement, au premier abord, de le voir attaché à des personnages aussi peu recommandables que le producteur et le réalisateur du film à mixer. C'est là l'une des nombreuses subtilités de Peter Strickland, qui semble-t-il n'a pas été capté par certaines critiques : ce n'est pas le film qui est décrit comme mauvais, mais sa production. Grosse, énorme nuance. Et ceux qui ont creusé le sujet savent que voir un Franco Gaudenzi (producteur notamment de l'inénarrable Zombie 3) aussi peu pro que les financiers à l'écran est une chose très crédible. Le truc, c'est que cette description est loin d'être simplement une critique, mais plutôt un exposé dont la finalité est la perte de repères du personnage principal.

 

Empêtré dans un film de sorcières assassines, qui rappelle fortement Suspiria, Gilderoy doit composer avec ses producteurs lubriques propulsant leurs dernières conquêtes au rang de doubleuses évidemment sous-douées, mais aussi avec la réalité économique. Celle-ci montre un personnage certes passionné mais loin de l'archétype de l'artiste actuel, plein aux as. Ici, tu ne veux pas être une pop star, tu veux survivre. On apprend, au détour d'une lettre au ressort comique réussi via un léger quiproquo avec le spectateur, qu'il habite encore chez sa mère. Cette dernière est heureuse d'avoir reçu un chèque pour son fils, ce qui ne doit pas arriver souvent. Et, surtout, Gilderoy tente à tout prix de se faire rembourser ses frais de déplacements, idée saugrenue penseront les amateurs de cinéma de genre Italien. La description de l'artiste, pris en tenaille entre son ardeur à la tâche et sa noyade sociale qu'on devine en cours depuis un bail, fait mouche.

 

Le crescendo du ressenti, menant à un pétage de plomb bien plus finaud que dans le pourtant très bon Barton Fink, se fait via une narration à la fois visuelle et auditive. Ce qu'on perçoit, au début, comme l'expression d'une élégance stylistique toute "giallesque", devient au fur et à mesure une menace lancinante. La main gantée triturant les boutons de consoles de mixage d'une autre époque passe de la référence à la menace, aussi vite que la situation dégénère autour des comédiennes harcelées par la production. Le travail sur le son débute sur un ton à la fois agréable et punchy, pour finir par devenir spectral, lancinant, menaçant. Et si les premières séquences d'explosion de pastèques, pour bruiter la pénétration des lames dans la chair, font gentiment sourire, ce n'est plus du tout le cas à la fin, où les légumes ont carrément un aspect pourri, dégoûtant, révoltant. Gildeoy n'en peut plus, comme tout artiste en bout de piste sur un projet qui ne le stimule plus...

 

Peter Strickland emprunte donc un univers, un genre qu'il semble apprécier, afin de traiter d'un sujet plus difficile qu'il n'y paraît. Il prouve sa révérence au giallo d'une bien belle manière.

 

berberian 01.jpg

 

 

J'aime

  • Un film autre, hypnotique.
  • Une narration beaucoup plus subtile qu'espéré. Et exigeante.
  • Un régal pour les sens, à voir dans de bonnes conditions pour en profiter au maximum.
  • Le réalisme de la situation, des personnages, du sujet.
  • Toby Jones, impeccable.

 

 

 

Vu en DVD chez Wild Side.

Publié par MB.

 

 

 

 

 



15/10/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi